Les plateformes internet et le marché de la santé : L’effet Booking ?

Reportage France2 : LEs sites internet font ils la loi ?

Article initialement écrit en 2017 et complété en 2021

En 2017, France 2 a diffusé un court reportage sur la prédominance des plateformes internet de réservations sur le marché de l’hôtellerie et comment elles « tiennent » désormais les indépendants du secteur. Le titre du reportage est significatif : « Les sites internet des plateformes font-ils la loi ?


Reportage France2 : Les sites internet font ils la loi ?Reportage France2 Fev-2017

J’ai trouvé intéressant de comparer ce marché à celui de la santé car il y a beaucoup d’éléments semblables qui peuvent préjuger de ce que sera le marché des rendez-vous sur internet dans quelques années.

Des acteurs puissants financièrement face à des libéraux sans culture digitale

Les plateformes de réservation sur internet dans l’hôtellerie se sont développées dans un secteur très diffus où les hoteliers commençaient à être présents sur internet mais de façon désordonnée. La plupart de ces structures hôtelières manquaient de connaissance de l’outil internet. Les plateformes leur ont proposé d’être présents sur internet sans la problématique de créer leur propre site. Par commodité, beaucoup d’entre eux ont accepté cette proposition. D’autant, que nombreux d’entres eux avaient eu des mauvaises surprises avec des agences web peu recommandables.

Ces plateformes, grâce à des budgets com et des forces commerciales très importantes au début ont réussi à devenir les fournisseurs internet références du marché. Il a été alors très difficiles pour les hôteliers de s’en passer. Le marché s’est concentré vers le leader Booking.

Quelques années plus tard, les hôteliers se sont rendus compte qu’ils avaient quand même besoin de créer leur propre site internet pour rassurer le voyageur sur leur sérieux et leur existence. Mais ils se sont rendus compte qu’il était très difficile d’être vus sur internet à partir du moment où ils étaient antérieurement référencés sur une plateforme qui naturellement reçoit plus de visites quotidiennes.

Le référencement volé

Sur internet, tout est question de référencement. C’est le moyen d’être visible sur Google (96% des recherches en France) et plus généralement sur les moteurs de recherche. Le référencement s’appuie pour une grande part sur votre antériorité sur le web.  C’est à dire que si votre nom est dans un premier temps associé à une plateforme, il vous sera difficile de vous en détacher.  Votre nom sera donc lié à la structure du site de la plateforme et aux catégories qu’ils proposent. La personnalisation n’est pas prévue dans les plateformes : tout le monde est présenté de la même façon.

Pourquoi dire « Référencement volé »? c’est parce que de nombreuses plateformes listent les acteurs de leur activité même s’ils ne sont pas client.  Ils utilisent dont à leurs dépends leur nom et comme peu d’entre eux réclament d’être retirés pensant que cela leur fait de la visibilité gratuite, cela renforce le référencement et pénalise celui du professionnel. Sur ce point, le manque de connaissance du fonctionnement d’internet des professionnels est un vrai handicap car il n’y a pas de contre pouvoir.

Des données client qui appartiennent à la plateforme

En réservant un séjour sur une plateforme, on doit s’y inscrire et nos données sont alors propriété de la plateforme. Elle peut donc ensuite nous faire d’autres propositions de voyage, développer des services comme les enquêtes de satisfaction qu’elle pourra facturer aux hôteliers.

Des services complémentaires

Grâce à des automatisations, les plateformes resserrent leur prédominance sur les professionnels . Dans l’hôtellerie, ce sont les agendas connectés, les paiements en ligne, la mise en ligne de promotion, etc…

La plateforme : un intermédiaire payant

Un hôtelier ou un particulier paye 13 à 17% de commission à la plateforme.

Un annuaire où le problème de visibilité réapparait

Sur Booking, étant donné le nombre importants de sites proposés, il devient difficile pour les hôteliers d’être visibles. Ils doivent donc soit proposer des promotions encore plus importantes ou payer pour être en haut de la liste.

Une fois leader, ils imposent leurs règles

Booking peut représenter la moitié des réservations d’un hôtelier. Alors quand celui-ci change ses tarifs, la négociation est déséquilibrée. Face à une société puissante, se trouvent toujours des professionnels indépendants pour la plupart et peu organisés. Les plateformes imposent leur règles.

C’est déjà le cas avec Doctolib qui impose son agenda aux secrétariats téléphoniques qui n’osent pas refuser leur demande d’exclusivité. Ainsi, certains médecins utilisent aujourd’hui l’agenda Doctolib sans avoir de contrat avec cette dernière parce que leur secrétariat téléphonique leur ont imposé. Ils ne savent souvent pas les choses qu’ils ont accepté de fait en utilisant cet agenda. Le jour où ces médecins voudront changer de prestataires, ils n’auront pas de choix sinon ils perdront tous leurs données et devront changer d’habitudes… malin mais un peu limite. Cette technique de s’imposer par l’utilisation est vieille comme le monde, chacun créant son écosystème d’outils propriétaires générant des habitudes de fonctionnement qui seront autant de barrières à l’entrée pour des concurrents.

Prendre rendez-vous avec son portable

Quelles similitudes avec le marché de la Santé ?

Il y en a beaucoup :

  • l’arrivée d’acteurs puissants avec de fortes capacités financières pour s’imposer sur le marché
  • Des forces commerciales importantes pour gagner vite le plus de parts de marché
  • des professionnels diffus avec une faible connaissance du fonctionnement d’internet
  • le référencement sans l’autorisation des praticiens sur les plateformes
  • La présentation sous forme d’annuaire avec une standardisation des informations
  • des accords avec les sociétés logicielles des dossiers patients
  • un marché qui pousse les professionnels avec des patients qui sollicitent le service de rendez-vous en ligne

On peut donc prévoir une prédominance de quelques plateformes qui « tiendront » les professionnels de la Santé.  Quelles seront-elles? Doctolib sans aucun doûte. Difficile de le dire aujourd’hui qui réussira à les concurrencer car les plateformes de rendez-vous sont nombreuses et si ce n’est de faire un pari sur celles qui investissent le plus. Bien que sur internet, les start-ups sont nombreuses et les disparitions rapides…

Mais de grandes différences aussi

Si la profession ne se vend pas aux plateformes, le futur peut être différent de celui des hôteliers.

Le référencement local est possible

Dans les années 2000, le référencement se faisait essentiellement sur le volume des mots clés utilisés. Aujourd’hui , ce n’est plus le cas et de nombreux autres éléments permettent d’être visibles, en particulier grâce à Google MyBusiness qui offre de la visibilité locale.

Les annuaires ne sont pas les amis de Google

Google veut rester la référence en termes de recherche sur Internet. Ses algorithmes cherchent à proposer à l’internaute le résultat le plus pertinent. Il préfère toujours des sites propriétaires à jour que des annuaires qui risquent d’être des intermédiaires entre Google et l’internaute. J’ai pour exemple le nombre de sites de comparateurs de voyage qui préemptaient les premières pages de Google il y a quelques années. Il était difficile de trouver le site d’AirFrance ! et puis un jour Google en a eu marre et a modifié son algorithme : aujourd’hui, on ne voit quasiment plus les comparateurs de voyage, il faut les rechercher spécifiquement.

Les sites professionnels qui seront mis en ligne aujourd’hui seront plus visibles que ceux qui arriveront demain.

La concurrence entre les plateformes les affaiblissent

Les plateformes de rendez-vous en ligne se font la guerre pour gagner le plus de parts de marché et leur nombre perturbe le marché. Quelle plateforme choisir ? J’en ai dénombré plus de 50 dont seulement une dizaine qui semblent viables à terme. Il sera donc beaucoup plus dur de devenir le Booking de la Santé en 2017 qu’en 2000.

Par ailleurs, les régulateurs sont plus regardant sur les prédominance des sociétés digitales surtout dans des domaines sensibles comme la Santé. Ainsi , en France, malgré le fait que Doctolib soit LA licorne française de référence , l’assurance maladie se débat pour ne pas perdre la main sur le Dossier Médical Partagé.

Le coût est élevé

L’abonnement mensuel est élevé. En effet, les plateformes qui sont bien positionnées demandent en moyenne 90€ /mois, ce qui fait réfléchir pour être dépendant d’un outil qu’on ne connait pas bien. Et pourtant, ce coût est faible au regard des investissements nécessaires pour leur développement. Ils auront besoin de rentrées financières complémentaires.

A côté de cela, le coût pour créer un site internet a fortement baissé. Par exemple, en 6 mois d’abonnement d’une plateforme, vous serez propriétaire de votre site personnalisé créé avec lib-rdv.

La culture internet des professionnels a évolué

A la différence des hôteliers, les praticiens pensent être moins sensibles aux rendez-vous sur Internet. Ceux qui pensent « web » sont en général plus jeunes et ils savent qu’Internet peut leur proposer de la personnalisation et de la différenciation, ils sont donc moins enclins à être listé sur un annuaire (et ils ont raison ! )

Les Conseils de l’ordre peuvent agir

Parce que ces plateformes contournent la règle d’interdiction de publicités en faisant des annonces sponsorisées sous leur nom mais pour le bénéfice de leurs clients aux dépends des autres praticiens.

Par ailleurs, ces conseils de l’ordre qui ont pour la plupart écrit des Chartes d’utilisation d’Internet et qui représentent les professionnels libéraux ne pourront pas être insensibles à l’usurpation des noms des praticiens par ces plateformes.  Cela pénalise la visibilité des professionnels qui ont préféré avoir leur propre site plutôt que de passer par une société commerciale intermédiaire et cela n’est pas normal.

Un des requêtes que les ordres pourraient faire serait de demander à ces plateformes qui sont en fait des annuaires de diffuser les liens des sites internet des praticiens dont ils utilisent le nom alors que ceux ci ne sont pas clients. Seul « Pages jaunes » le fait.

Mais il est vraiment triste de voir qu’aucun représentant des professionnels ne monte au créneau pour défendre ses confrères.  Sans culture digitale, la plupart se sentent peu compétents face à des plateformes aux arguments affutés. La place est donc libre…

L’intérêt de proposer des rendez-vous en ligne sur son site

Etre visible sur internet, c’est possible avec un site internet bien structuré, un nom de domaine pertinent et des mises à jour de sécurité régulières.

Par ailleurs, le fait d’avoir un système de prise de rendez-vous en ligne va entrainer du trafic qualifié sur votre site et ainsi vous allez remonter dans le référencement Google.
N’ayez pas peur des plateformes, organisez-vous pour en être indépendants ! Et comme Google donne une prime à l’antériorité, un bon site créé aujourd’hui aura toujours plus de visibilité qu’un site créé l’année prochaine.